Quelques questions à Wandrille Leroy, éditeur et blogger

Publié le par ninon

Wandrille a cofondé en 2004 la maison d'édition Warum (qui publie notamment des albums tirés de blogs BD), a publié plusieurs albums (Les Pages noires, Psychanalyse du Super-héros...) et est l'auteur du blog Tout est bon dans le Cochon.

Voici sa réponse à la question : L 'édition papier est-elle appelée à disparaître ?

Non, pour deux raisons principales :
1/ La force de l'habitude d'abord : on ne met pas au rencart 2000 ans de civilisation de l'écrit et 600 ans d'imprimerie comme ça.
Il va y avoir une forte survivance du livre qui est un support qui inspire confiance et respect, là ou l'ordinateur inspire méfiance et surtout évoque l'éphèmère.
Rappelons-nous comme on nous vantait il y a dix ans les CD et DVD qui devaient sauvegarder à tout jamais nos données... inutilisables au bout de 5 ans !

Même avec l'amélioration des supports, le livre va bizarrement reprendre le rôle d'archivage du support numérique, pour une raison de crédibilité, sûrement fausse, mais pourtant indéniablement présente.
Après tout, l'incendie de la bibliothèque d'Alexandrie comme preuve de la fragilité du livre est toujours présent dans les esprit et pourtant, une bibliothèque reste l'endroit de la sauvegarde du savoir

D'ailleurs les dérives wikipediesques et la pseudo "connaissance universelle googleulisante" sont suffisamment et
régulièrement remises en questions pour illustrer cette méfiance à l'égard du web (alors qu'on est bien d'accord, rien n'empêche d'imprimer un très mauvais livre plein de conneries ou une mauvaise bande dessinée d'ailleurs).
Ça ne devrait pas changer avant un bon moment.

2/ L'objet "souvenir"
Les livres des blogueurs édités sont principalement acheté par des lecteurs du blog, c'est à dire des gens qui ONT D
ÉJ À lu le contenu mais veulent l'avoir pour plein de raison (facilité de lecture, geste de reconnaissance pour le lecteur, et, surtout, pour la possibilité de revivre la lecture, et se souvenir des moments passés à lire le blog, parce que c'est un acte qui s'inscrit dans la durée de lire un blog, lire le livre qui en est tiré c'est repasser par l'époque ou on lisait le blog, les souvenirs qu'ont peut avoir de telles ou telles planches varient d'une personne à l'autre selon le cadre où elles l'ont lues, les commentaires, les petits scandales etc...)

Bref, comme j'aime à le présenter le livre de blogueur, c'est un peu la photo qu'on achète après le grand huit, le souvenir figé d'un truc en mouvement.

Pour beaucoup, le livre fera office d'album photo souvenir et, en cela, il survivra longtemps, parce que le problème de la dématérialisation c'est qu'elle s'incrit dans une société essentiellement matérialiste qui aime encore "posséder" l'objet.

La BD livre est un objet, et souvent un bel objet.
Par exemple les livres de Chris Ware, au contenu pourtant peu facile d'accès, séduisent énormément par cet aspect " bel objet".

Une autre différence d'ailleurs entre l'industrie du disque et celle du livre c'est que, en général les majors se moquent de l'acheteur en lui refourguant un objet très laid, et certains gros éditeurs procèdent ainsi.
Dans ces conditions comment s'étonner que les lecteurs potentiels préfèrent boycotter l'achat d'une chose laide et couteuse, quand ils peuvent avoir le contenu gratuit.
En revanche, les petits éditeurs, aux tirages plus réduits, prennent en général plus de soin de l'objet à tirage plus limité (donc cher).

On peut donc se dire que légitimement les éditeurs à gros tirages vont plus souffir que les petits indépendants qui font déjà du beau livre.
Parce que le beau livre survivra, pas l'édition de consommation, qui virera au numérique et c'est bien normal.


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